Rapport « Suivi des produits phytosanitaires dans les eaux de ruissellement du bassin versant de Bourville, année 2007-2008« , Richet (AREAS), 2010
Résumé
L’étude du suivi des flux de produits phytosanitaires dans les eaux de ruissellements du bassin versant de Bourville a été effectuée au cours de la campagne 2007-2008. L’occupation du sol de ce bassin de 1100 ha situé en amont de la vallée du Dun en Seine-Maritime est dominé par une agriculture industrielle (73% de terres labourées en 2007). Les sols limoneux battants présents sont soumis à des phénomènes de ruissellements et d’érosions importants. Depuis 1995, ce bassin versant fait l’objet d’un suivi précis de la pluviométrie, de l’hydrologie (mesure du débit à l’exutoire) et de l’occupation du sol. Ces données permettent une approche statistique fiable de son fonctionnement hydrologique. Les eaux analysées dans le cadre de cette étude ne concernent que les eaux d’écoulements superficiels issues du bassin versant. L’équipement du site de mesure existant a donc été complété en 2007 de deux préleveurs automatiques dont la mise en fonctionnement est proportionnelle au débit. Les échantillons prélevés permettent de suivre les matières en suspension et les micro-polluants dans les eaux de ruissellement. Un diagnostic des pratiques d’utilisation des produits phytosanitaires sur le bassin versant a été réalisé par enquête auprès des agriculteurs (25), des collectivités (5), de la Direction des routes en novembre 2007 et a permis d’obtenir des informations sur les usages datés et géoréférencés entre 2002 et 2007. Une seconde enquête est venue la compléter en automne 2008. Á travers les entretiens avec les agriculteurs, le calcul d’indicateurs spécifiques comme l’IFT a été effectué. Cet indice permet d’évaluer la « pression phytosanitaire » exercée sur une parcelle. L’analyse des indices de fréquences de traitements pour la campagne 2007-2008 montre que, dans l’ensemble, les apports sur le bassin versant de Bourville sont conformes aux références régionales. Ceci confirme l’intérêt de ce bassin versant, en tant que territoire représentatif des pratiques régionales. Dans le détail, elle montre aussi que les pratiques individuelles peuvent être assez variées. Le choix des substances actives à rechercher dans les eaux échantillonnées a répondu à la démarche suivante : la première liste de pesticides correspond à la liste des substances actives recherchées dans le cadre du réseau de surveillance de la qualité des eaux superficielles de la directive cadre sur l’eau (DCE). Suite aux enquêtes, une adaptation de cette liste a ensuite été réalisée pour y inclure toutes les substances actives effectivement utilisées sur le bassin versant. Avec 820mm de pluie et 9,7mm ruisselés, l’année 2007-2008 est qualifiée de moyenne pour la pluviométrie et l’hydrologie. Les sept épisodes de ruissellements les plus importants, à la fois par leur débit de pointe et par leur volume ruisselé, représentent plus de 90% du volume total ruisselé et le taux d’échantillonnage moyen atteint 70% du ruissellement total pour l’analyse des pesticides. Quatre grands groupes de molécules ont été identifiés. Le 1er groupe est constitué par des molécules apportées en grande quantité et fortement présentes dans les écoulements, comme l’isoproturon (désherbant), le glyphosate (désherbant), le diflufénicanil (désherbant) et l’imidaclopride (fongicide et insecticide). Le glyphosate et le diflufénicanil sont en particulier des molécules ubiquistes, c’est-à-dire présentes dans tous les écoulements. Les molécules du 2e groupe présentent les plus forts taux de transfert comme le fluroxypyr (désherbant), le triclopyr (désherbant), le quinmérac (désherbant), la métribuzine (désherbant) et le linuron (désherbant). Dans le 3e groupe, les molécules ont été apportées en grande quantité (supérieur à 10 kg) mais restent totalement absentes des eaux de ruissellement, comme le chlorotalonil (fongicide), la métamitrone (désherbant), le tébuconazole (fongicide), le flusilazole (fongicide) et le carbendazime (fongicide). Un 4e groupe supplémentaire est également constitué de produits de dégradation de substances actives autorisées comme l’AMPA (produit de dégradation du glyphosate), de molécules interdites (le lindane, le diuron et la simazine) ou leurs produits de dégradation et d’une molécule autorisée mais sans usage connu sur le bassin versant comme la téflutrine. La constitution de ces groupes n’est cependant basée que sur les observations d’une seule année, sans qu’il ait été possible de leur identifier une base physique, et mérite d’être confirmée par d’autres années de mesures. Globalement, les eaux de ruissellement sont des eaux chargées en herbicides et dépassent pour certaines substances les seuils fixés par les grilles de qualité en vigueur pour les eaux superficielles. Les dosages de MES représentent 57% des ruissellements. La concentration moyenne est de 1010mg/l, et toutes les valeurs sont dans l’intervalle [56mg/l ; 8050mg/l]. Pour les eaux analysées, le transfert de sédiments s’élève à 59 t, sur l’ensemble des écoulements de l’année, l’érosion totale serait de 108 t, soit une érosion moyenne d’environ 0,1 t/ha sur l’ensemble de l’année.