Rapport d’essai Infiltrabilité de dispositifs enherbés du pays de Caux, premiers résultats, Richet, Gril et Ouvry, 2006
Conclusion
Ces premiers résultats nous renseignent sur les ordres de grandeur d’infiltrabilité des chenaux enherbés anti-érosifs en Haute-Normandie. Ils révèlent une grande variabilité, qui est notamment liée au tassement des sols. Ce tassement est déterminé par le mode de gestion et d’utilisation de ces surfaces, dans lequel la fréquence et les conditions de passage de matériel agricole sont déterminants. En particulier, le passage d’engins agricoles à des périodes où ces surfaces restent humides sont parmi les événements les plus tassants qu’un chenal enherbé peut être amené à subir.
Pour le bout de champ enherbé qui ne supporte qu’un passage d’outil pour le broyage à une époque où le sol est bien ressuyé (mai ou juin), le profile pédologique est sain, sans trace de tassement, et l’infiltration est forte : les valeurs mesurées sont comprises entre 127 mm/h et 195 mm/h.
Pour le bout de champ enherbé situé à l’aval d’une longue parcelle labourée, sa gestion est très propice au tassement : les ruissellements issus de la parcelle cultivée à l’amont induisent une humidité régulière, tandis que les passages d’engin sont plus nombreux (labour, semis, broyage, traitements, récolte), et peuvent avoir lieu en conditions humides (récolte du maïs ensilage en octobre, récolte des betteraves à sucre jusqu’en novembre, traitements d’automne des céréales), sans qu’aucun sousolage n’ait eu lieu depuis 10 ans. Ces conditions induisent la formation d’un pseudo-gley dans l’ancien horizon labouré sous le mat racinaire. L’infiltration y est très faible pour les deux séries de mesures effectuées : entre 0 mm/h et 37 mm/h.
Le chenal enherbé de fond de talweg est aussi régulièrement traversé par des engins agricoles que le bout de champ enherbé qui sert de tournière, ce qui conduit à un profile pédologique comparable à celui du bout de champ enherbé et compacté. L’infiltration y est faible, entre 6 mm/h et 40 mm/h.
Ces premiers résultats semblent confirmer les observations visuelles faites ces dernières années sur le terrain, et les mesures de Yves Nédélec. Ils montrent aussi la variabilité possible à l’échelle d’un bassin versant.
Sur le plan de l’arrachement de particules dans les processus d’érosion linéaire, l’enherbement s’est avéré depuis de longues années comme totalement efficace, et les mesures de rugosité hydrauliques réalisées pour cette étude le confirment. Mais vis-à-vis de la réinfiltration des ruissellements, ces premières données montrent qu’il y a lieu d’être prudent, car elle n’est pas toujours très élevée. La connaissance du mode de gestion de ces surfaces est vraisemblablement une information essentielle pour estimer leur infiltrabilité.
Quant au pouvoir de filtration et de piégeage de particules de pollution, ces résultats montrent qu’on ne peut pas toujours tabler sur l’effet indirect de l’infiltration. Si cette dernière est faible, ces surfaces enherbées ne se montreront efficaces que lorsque la hauteur de l’écoulement reste inférieure à la hauteur de l’herbe, ce qui suppose que les chenaux doivent être peu profonds et assez large pour permettre à l’écoulement d’être étalé.