Rapport de thèse Pratiques culturales, ruissellement et érosion diffuse sur les plateaux limoneux du nord ouest de l’Europe – application aux intercultures du pays de Caux, par Philippe Martin (INA-PG), 1997
Mots clés
interculture, ruissellement, érosion, pratiques culturales, système de culture
Résumé
Depuis une vingtaine d’années, les plaines limoneuses du Nord-Ouest de l’Europe connaissent une recrudescence des inondations boueuses. Confrontés aux limites des solutions curatives, les décideurs cherchent actuellement à réduire les quantités d’eaux boueuses émises par le territoire agricole. Parmi les solutions envisagées, la modification des pratiques culturales est souvent évoquée, notamment pour les intercultures qui associent des risques de ruissellement élevés (pluies importantes et surfaces non couvertes tassées par les travaux de récolte) à une maîtrise potentielle de ce ruissellement (interventions facilitées par l’absence de cultures en place). Sur la durée de l’interculture, l’effet de ces états sur le ruissellement et l’érosion diffuse est encore peu connu. Partant de là, nous approfondissons deux questions majeures, relatives aux intercultures :
- la caractérisation des états du milieu à l’origine du ruissellement et de l’érosion diffuse des
parcelles en interculture. - le classement, par rapport au ruissellement et à l’érosion diffuse, des pratiques inter-culturales.
Le travail se déroule dans le Pays de Caux (Normandie), région limoneuse fortement touchée par les problèmes érosifs, pour laquelle nous avons pu vérifier que l’on avait une grande diversité de natures et de conduites d’intercultures. Une recherche bibliographique, associée à des enquêtes sur les pratiques culturales, nous a conduit à définir 5 itinéraires techniques interculturaux, représentatifs de la diversité agricole régionale et contrastés quant aux comportements attendus pour le ruissellement et l’érosion diffuse. Les itinéraires techniques sont testés, deux années de suite, sous pluies naturelles, sur des surfaces de 20 m². Pour accroître la gamme des états testés nous faisons aussi varier les états à la récolte (couverture du sol par les résidus et état structural de l’horizon anthropique).
Nous proposons une caractérisation du milieu selon 5 variables pour le climat et selon 6 variables pour les états du sol. Cette caractérisation est appliquée, aux surfaces de 20 m² pour les deux années d’essai. Par une méthode de régression linéaire multiple, nous montrons que les variables proposées expliquent plus de 50 % de la variabilité des résultats de ruissellement par séquence pluvieuse. En revanche, les résultats sont moins bons pour les départs de terre. Pour chacune des deux années d’essai, nous montrons que l’équation linéaire, obtenue entre les variables du milieu et le ruissellement, peut raisonnablement être utilisée pour estimer le ruissellement lors des débordements des bacs collecteurs.
Sur la durée de l’interculture, nous caractérisons chaque itinéraire technique par sa trajectoire d’états. C’est-à-dire par la succession des états du sol obtenus sous l’action conjuguée des techniques culturales et du climat. Nous identifions des trajectoires distinctes, plus ou moins stables entre années, pour les 5 itinéraires techniques testés. Les différences de trajectoires d’états entre itinéraires techniques se traduisent par des différences de courbe de cumul de ruissellement et d’érosion diffuse. Le rapport des valeurs extrêmes obtenues pour les différentes situations culturales est voisin de 10 pour le ruissellement et de 50 pour les départs de terre. Le classement final des itinéraires techniques est relativement stable pour les deux années d’essai. Ce classement montre que le ruissellement et l’érosion diffuse ne sont pas systématiquement corrélés. Des mesures complémentaires effectuées sur de plus grandes longueurs indiquent que le classement obtenu sur les parcelles de 20 m² ne semble pas être modifié par la longueur de pente.
Notre travail a permis de préciser les déterminants du ruissellement et de l’érosion diffuse en interculture. Les résultats obtenus ont une valeur opératoire immédiate. Ils constituent une aide à la décision pour la conduite des intercultures en fonction des états à la récolte et de l’effet recherché sur le ruissellement ou l’érosion diffuse. Ces résultats fournissent aussi des pistes pour une amélioration des modèles de ruissellement et d’érosion.